Chapitre 5
Première partie

J'ai connu la grâce. Les voix dans ma tête, elles savent. Elles savent quelque chose que je savais pas, que je pouvais pas savoir. Personne ne pourrait ne serait-ce qu'envisager ce qu'elles me disent. Elles me dictent et j'écris. C'est une évidence. La lumière. Tout part de là, la lumière. Je suis sourd mais je suis pas aveugle, et j'ai accédé à une vérité supérieure. Maintenant je vois le monde tel qu'il est vraiment. Il est pourri, il est gris, il est mauvais et guidé par le diable. Moi, je reste seul, je prie pour trouver la beauté. Je suis mort de la cruauté des hommes. Je renais pour faire tomber le ciel sur la terre. J'ai été perdu, j'ai cru connaitre le plaisir, j'ai cru connaitre l'amour. J'ai cru connaitre la mort. Je suis toujours perdu d'ailleurs. Mais je l'accepte. Je n'ai pas la prétention de comprendre quelque chose qui m'est supérieur. Pourquoi l'homme a-t-il mal tourné ? Son âme n'est-elle pas foncièrement bonne ? La mienne l'est, j'ai été sauvé. Je me suis sauvé tout seul. Je suis le sauveur. Non. C'est trop dangereux. Le monde ne peut pas savoir. Chacun doit sauver son âme seul, et c'est parce que j'ai compris ça que je connais la grâce. Je ressens la foi, je goûte le savoir. Je veux le répendre au monde entier mais j'ai peur. Je suis perdu entre le sacré et le profane. Le monde est sale, ce n'est que de la poussière. Le monde n'est pas prêt à être sauvé. Je continue d'écrire. Et dans ma communion avec le ciel, je suis obsédé par l'idée de sauver les autres. Pourquoi je peux pas me contenter de rester en paix, dans mon univers clos et fini ? Est-ce qu'il y a quelque chose que je n'aurais pas compris ?

Deuxième partie

C'est une guerre qui se prépare, j'en suis désormais convaincu. Je suis sorti de mon silence, je me suis ouvert au monde et les voix dans ma tête ne m'ont pas désapprouvé. Je suis allé au bord de la falaise et j'ai vu l'ombre. L'épanouissement de mon esprit a fait tomber la pluie. Tout le monde a pu le voir. Les gens ne comprennent pas. Ils sont perdus. Ils ont peur. Au coeur de la tempête mon cerveau a pris feu et beaucoup commencent à se rendre compte. Ils réalisent. Chacun choisit son camp. Mes écritures se répandent et font des ravages. Le message est clair : hais le pêché, non le pêcheur. C'est écrit partout, sur les murs et dans le ciel. C'est impossible de ne pas le voir.Certains refusent de comprendre et ils sont éliminés dans le feu et le sang. C'est le triomphe de la beauté. La vérité a éclaté au grand jour. Ils sont de plus en plus nombreux à me suivre. Je n'ai pas besoin d'entendre ce qu'ils disent, je suis ailleurs. Je suis leur sauveur, et je collectionne leurs âmes. Et les voix dans ma tête demandent "Qui sauvera mon âme ?". Et mes disciples s'interrogent "Qui sauvera mon âme ?". Les plus nobles prient. Je le sais, c'est l'Apocalypse qui arrive, et chacun veut le salut de son âme. Ils se crèvent les tympans, ils veulent connaitre la grâce. Ils ne peuvent pas. Ils ne savent pas encore. Et moi, je ne peux qu'attendre le moment où les cavaliers viendront ravager ce monde, où le chaos et la beauté s'uniront dans la chair et mettront ainsi fin à ce monde de pêché.